Frans de Waal

La dernière étreinte

« Chatouiller un chimpanzé, c’est comme chatouiller un enfant ».

Dans ce livre, j’ai apprécié ce regard scientifique « ouvert » sur les émotions animales et l’interpellation qu’elles provoquent sur notre positionnement souvent arrogant, ignorant et plein de projections vis-à-vis des animaux. Il y décrit des observations chez les chimpanzés et d’autres animaux des émotions que beaucoup ont considéré comme spécifiquement humaines : le rire, la conscience de la finitude, et « 90% des expressions humaines, du hérissement de nos poils quand nous avons peur aux tapes dans le dos que l’on observe chez les hommes ou les chimpanzés mâles en signe de franche camaraderie ».

Par exemple, des études montrent aujourd’hui que les rats rient ! Mais puisqu’ils rient différemment de nous, notamment en ultrasons, on ne les entendait pas rire jusqu’à présent, si bien que notre vision anthropocentrée avait décrété que seuls les humains étaient capables de rire…

Au final, la science cherche toujours à décrire le plus objectivement possible une situation, et c’est sur ce genre de sujets éthiques et polémiques entre chercheurs (émotions animales vs émotions humaines par ex) que l’on se rend compte que l’objectivité n’existe pas. Quelle que soit la rigueur des études menées, on arrive toujours un moment donné à la confrontation de subjectivités différentes qui ne font que traduire des expériences de vie différentes et donc des croyances et parti-pris différents. L’objectivité absolue est un leurre aussi dangereux qu’une propagande aveuglée par sa propre illusion de vérité. Mieux vaut être conscient de sa subjectivité et pouvoir entendre celle d’un autre que de vouloir imposer une fausse objectivité.

Les études scientifiques sont nécessaires à notre société, mais de mon point de vue, la science gagnerait à étudier et à reconnaître sa part de subjectivité, qui ne pourra jamais être réduite à néant. Au  lieu de vouloir annihiler la subjectivité, ne faudrait-il pas plutôt l’assumer et travailler avec, voire la valoriser comme une expérience riche et unique ?

À ce titre, on pourrait se demander à partir de quand une subjectivité partagée est décrétée comme objective ?

 

Vidéo visionnée par des millions de personnes à l’époque, montrant les retrouvailles entre la patriarche chimpanzé « Mama », malade et mourante, et Jan van Hooff, professeur de biologie la connaissant depuis plus de 40 ans.

Normalement personne ne rentre dans la cage d’un chimpanzé, mais les circonstances étaient particulières, et l’accueil de Mama au chercheur, dans son état de prostration, a surpris beaucoup de monde, mais comme il est dit dans le livre de Frans de Waal, « nous sommes impressionnés de voir que Mama se souvient de moi, parce que nous, êtres humains, avons peu d’estime pour les capacités émotionnelles et mentales des animaux. »